Mon avis sur Les Archives Tintin (Atlas), vol. 8 – Le Lotus bleu

Le « Lotus bleu » est le premier tome de la série pour les lecteurs français. Les lecteurs belges recevant « Le Secret de la Licorne » comme premier envoi (et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre !), il m’aura fallu patienter quelque peu avant de découvrir cet album charnière dans la carrière d’Hergé.

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La figurine qui accompagne l’album.

 

 

Voici ce que contient exactement l’album :

 

JOURNAL 1934-1935 (PP. 5-7)

LA BELGIQUE EN DEUIL – PREMIÈRE RENCONTRE D’HITLER ET DE MUSSOLINI – NUIT SANGLANTE EN ALLEMAGNE – ALEXANDRE DE YOUGOSLAVIE EST ASSASSINÉ À MARSEILLE – FAIBLESSE ET NUAGE SUR L’ENTENTE – PREMIÈRE DÉCHIRURE DU TRAITÉ DE VERSAILLES. MESURES CONTRE LES JUIFS – HITLER DÉFINITIVEMENT MAÎTRE DE L’ALLEMAGNE – DE LA SCÈNE À L’ÉCRAN – RÊVE D’EMPIRE. L’AFFAIRE ÉTHIOPIENNE – LA SARRE CHOISIT L’ALLEMAGNE – L’URSS MET FIN À SON ISOLEMENT – VIENNE : MEURTRE À LA CHANCELLERIE – EXPOSITION DE BRUXELLES – CITROËN LANCE LA TRACTION – NOUVELLES D’AILLEURS… JAPON, CHINE – PREMIÈRES PURGES STALINIENNES – ÉCHOS DE LA BANDE DESSINÉE – TRAVERSÉE INAUGURALE DU NORMANDIE – LA MODE 34/35

LES SOURCES DE L’ŒUVRE (PP. 8-15)

LA CHINE – LA CONCESSION INTERNATIONALE – LE JAPON – LES ÉVÉNEMENTS – LA SOCIÉTÉ DES NATIONS – TINTIN RADIOAMATEUR – TCHANG TCHONG-JEN

REVUE DE DÉTAILS (PP. 16-20)

RANCHI – LE PAQUEBOT DU RETOUR – LA FLOTTE JAPONAISE – LE TRAIN BLINDÉ – L’AUTOMOBILE RÉQUISITIONNÉE – LES VÉHICULES AUTOMOBILES – L’AUTOMITRAILLEUSE – TENUE DES TROUPES JAPONAISES – LES TROUPES BRITANIQUES – LES DÉCORS DE SHANGHAI – L’OPIUM EN CHINE _ AU CINÉMA – PETITE BIZARRERIE DU SCÉNARIO

LES SECRETS D’UNE CRÉATION (PP. 21-25)

PINCEAUX CHINOIS – UN ART – PRIS SUR LE FAIT – JEUX DE LUMIÈRE – LE DÉCOR AD HOC –BLEU DE CHINE – UNE CHINE AUTHENTIQUE – UN FIGURANT DOCILE – AUX PIEDS, MILOU !… – TRANSPARENCES

LES ACTEURS (PP. 26-31)

TINTIN – …ET MILOU – TCHANG TCHONG-JEN – CIPAÇALOUVISHNI – DAWSON – DIDI – DUPONDT – FANG SE_YENG – GIBBONS (W.R.) – HARANOCHI – HONORAT – HYMANS – LIOU JU-LIN – MAHARADJA DE RAWHAJPOUTALAH – MITSUHIRATO – RASTAPOPOULOS – WANG JEN-GHIÉ – YAMATO – AUTRES ACTEURS – FIGURANTS – …ET UN PARTICULIER INTÉRESSANT

TINTIN FAIT LA UNE DU PETIT VINGTIÉME (PP. 32-39)

LE MYSTÈRE TINTIN (PP .40-41)

L’ALBUM – LE LOTUS BLEU (PP. 43-108)

PENDANT CE TEMPS… HERGÉ (PP. 110-123)

CHRONOLOGIE HERGÉ 1934-1935 – LES AUTRES HÉROS : QUICK ET FLUPKE, POPOL ET VIRGINIE – LES AUTRES ACTIVITÉS : LA PRESSE, LA PUBLICITÉ, PROGRAMMES ET PLAQUETTES, CATALOGUES, ILLUSTRATIONS, L’OISEAU DE FRANCE, LES FILMS FIXES

COLLECTIONNEURS ET COLLECTIONS (PP. 124-128)

COUVERTURES ET COTES DES DIFFÉRENTES EDITIONS DE L’ALBUM – BIBLIOGRAPHIE – EDITIONS ÉTRANGÈRES ET TRADUCTIONS RÉGIONALES

 

Voici mon avis détaillé sur le contenu.

I. Préface

 

Journal 1934-1935

La revue de presse se concentre essentiellement sur la montée du nazisme et du fascisme en Europe, ainsi que l’évolution politique en union soviétique. Des articles qui donnent froid dans le dos…

 

Les sources de l’œuvre

Jean-Marie Embs et Philippe Mellot reviennent longuement sur le contexte politique dans lequel se situe cet album de Tintin : l’instabilité politique en Chine et les ambitions impériales japonaises. Au passage, ils évoquent l’histoire des concessions internationales de Shanghai – une page d’histoire indispensable si l’on veut comprendre l’album. Le tout illustré d’authentiques documents ayant inspiré des dessins à Hergé. Ils consacrent également une double page à la rencontre entre Hergé et Tchang, et son influence sur la suite de l’œuvre d’Hergé.

 

Revue de détails

Paquebots, bâtiments de guerre, voitures, blindés, uniformes, costumes chinois, décors de Shanghai… tout y est. Les auteurs évoquent même, image à l’appui, une scène de cinéma qui a incontestablement inspiré Hergé. Seul l’encart consacré à l’opium en Chine n’est pas à sa place : il aurait dû figurer dans les « sources de l’œuvre » à mon avis. Mais c’est un détail…

 

Les secrets d’une création

Cette fois, enfin !, Philippe Goddin nous livre quelques secrets d’atelier. Il nous montre comment Hergé passe d’une photographie à la caricature qu’est le visage de Mitsuhirato. Il présente un dessin inhabituel dans lequel Hergé met en pratique l’enseignement de Tchang : une vignette reprenant une case du « Lotus Bleu », mais réalisé au lavis d’encre de chine et au pinceau… une vrai merveille ! Il nous explique comment Hergé passe d’un premier découpage, crayonné au dos d’une planche, au découpage définitif de la planche. Comment Hergé se documente et construit ses décors, joue avec les ombres et la lumière. On a même droit à une explication technique sur la raison d’être du lavis bleu sur les planches originales. Enfin ! Les secrets d’une création révélés. Pourquoi n’a-t-on pas droit à d’aussi intéressants commentaires de sa part dans les autres volumes de la collection ?

 

Les acteurs

Comme à chaque fois, cette galerie de portraits est un véritable régal à la lecture. Les auteurs détaillent l’évolution graphique et psychologique que subissent Tintin, Milou et les Dupondt. Ils reviennent également sur l’amitié qui lie Hergé à Tchang et font le lien avec celle qui nait entre le personnage de Tchang et Tintin. On a également droit au portrait des méchants classiques que sont Mitsuhirato et Rastapopoulos. Le point soulevé par les auteurs concernant le traitement graphique des japonais par Hergé mériterait d’être moins « prudent » : Hergé leur dessine non seulement de « longues dents » (déjà tout un symbole) mais il affuble également Mitsuhirato d’un nez de cochon !

 

Tintin fait la une du Petit Vingtième

Cette rubrique reprend l’ensemble des couvertures du Petit Vingtième réalisées par Hergé pour accompagner la parution du « Lotus Bleu ». Certaines sont tout simplement époustouflantes, et on sent nettement l’influence des leçons de Tchang dans certaines d’entre-elles.  Du tout grand Hergé !

 

Le mystère de Tintin

Craignant sans doute que l’intrigue fut un peu trop complexe pour ses jeunes lecteurs, Hergé décide de publier une « annonce et mise au point » dans le Petit Vingtième avant de publier les dernières planches de son histoire. A cette occasion, Hergé réalise un portrait en buste des principaux personnages de l’aventure. C’est son collègue et ami Jam qui rédige le texte, résumant le rôle et la place de chacun dans l’intrigue qui est sur le point de se dénouer. Un inédit exceptionnel, une page oubliée et pourtant essentielle dans l’histoire de cet album.

II. L’album

Que dire du « Lotus bleu » qui n’ait pas encore été dit. L’un des albums clés de toute l’histoire de la bande dessinée.

 

III. Postface

La Chronologie est ici très courte, même si elle couvre deux années particulièrement importantes dans la vie d’Hergé. Il y a la rencontre avec Tchang, déjà longuement évoquée dans la préface. Mais il y a également la création de la première société d’Hergé : l’Atelier Hergé. Hergé tente en effet de se lancer dans l’illustration publicitaire. La rubrique « Autres activités » témoigne de l’impact qu’à cette nouvelle entreprise sur la production d’Hergé. L’atelier Hergé sera liquidé seulement quelques mois après sa création, mais Hergé sera encore régulièrement sollicité pour des illustrations publicitaires dans les années suivantes. La rubrique « Autres Héros » évoque les exploits de Quick et Flupke dans le Petit Vingtième, ainsi que la parution de l’unique aventure de Popol et Virginie, toujours dans les pages du Petit Vingtième. Hergé déborde d’énergie créative. Mais à trop tirer sur la corde…

Hergé, à quel point l’auteur et ses personnages sont devenus populaires. On mesure également le changement radical que cette charge de travail implique dans la routine artistique et créative de Hergé. Faut-il y voir l’un des éléments qui expliquent la lassitude de Hergé face à son œuvre et son travail à partir de cette époque ?

Conclusion

Mon choix de cœur va bien évidemment au « Secret de la Licorne ». Néanmoins, je dois avouer que « Le Lotus bleu » lui est bien supérieur en termes de suppléments dans cette collection. Pas étonnant qu’Atlas en ait fait le premier tome de la collection pour le marché français. Reste à savoir si le volume et la qualité des suppléments résulte de la richesse de la documentation disponible pour cet album, ou si elle reflète simplement un soin particulier apporté au premier album de la collection. Pour ma part, si à ce stade je devais conseiller l’achat d’un seul album de la collection, ce serait sans hésiter « Le Lotus bleu ».

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