La ponctualité britannique n’est donc pas une légende : annoncé pour mai 2015, le 2e et dernier volume de la série « Avions des aventures de Tintin » chez Bleu Rider Publishing est disponible depuis… le 2 mai ! Il fait dix pages de plus que le premier volume, les avions des aventures de Jo, Zette et Jocko occupant 12 pages à eux seuls. Un volume qui vous en mettra plein les yeux, les avions qu’il contient étant essentiellement des appareils monoplans modernes et des hélicoptères. Le Douglas DC-6 de la Syldair est particulièrement bien réussi. Les grands absents, copyright Moulinsart oblige, sont la fusée lunaire, le Stratonef H.22 et le Carreidas Jet 160, bien que ces trois absents soient tout de même mentionnés dans le texte par souci d’exhaustivité.
Ce second volume montre bien le parti pris encyclopédie visuelle pour « maquettiste » de cette publication car chaque variante de couleur (et elles sont nombreuses dans le cas des aventures de Jo, Zette et Jocko) d’un même avion y est minutieusement documentée par un visuel et une courte notice relatant le rôle de l’avion dans l’histoire dessinée par Hergé. En revanche, on apprend peu de choses sur le modèle d’avion et son fabricant.
J’ai par contre été surpris d’y trouver le Gee Bee Racer – il s’avère qu’il apparaît dans une scène où Jo rêve du Raid Paris/New-York dans le Testament de Mr. Pump, scène présente dans les versions parues en feuilleton dans Cœurs Vaillants et Le Petit Vingtième mais qui ne figure pas dans les éditions en album, j’ignorais donc l’existence de cette scène. Il est temps que quelqu’un se mette à analyser les nombreuses variantes entre les prépublications de Jo, Zette et Jocko et les versions en album, comme cela a été fait pour les aventures de Tintin.
En fin de volume, comme dans le premier opus, on retrouve la liste des kits permettant de réaliser les avions des aventures de Tintin et… de Jo, Zette et Jocko. Avis aux amateurs !
Le second volume ne déçoit pas, les dessins sont de la même qualité que dans le premier volume. J’ose à peine imaginer le travail de fourmi qu’a représenté la recherche de toutes les variantes de ces avions. Ensemble, les deux volumes forment une encyclopédie visuelle complète, référençant tous les modèles d’avions dessinés par Hergé dans les aventures de Tintin et de Jo, Zette et Jocko. Mais il reste encore beaucoup de choses à dire sur tous ces avions.
Et bonne nouvelle pour les francophones anglophiles, la traduction en français du premier tome serait en préparation chez Blue Rider et serait disponible incessamment sous peu. J’ignore si ceux qui ont déjà fait l’achat de la version anglaise se verront proposer un « échange » pour un prix symbolique.
“A scale modeller’s guide to Aircraft from the Adventures of Tintin – Part 2: The Later Albums”
Blue Rider Publishing
Version ebook à télécharger : £9.99 (+/- 14 EUR)
Version CD-Rom + décals CD001, CD002 et CD005: £18.50 (+/- 25 EUR) http://insigniamag.com/05_publications.html
Egalement disponible:
“A scale modeller’s guide to Aircraft from the Adventures of Tintin – Part 1: The Early Albums”
Blue Rider Publishing
Version ebook à télécharger : £9.99 (+/- 14 EUR)
Version CD-Rom + décals CD001, CD002 et CD005: £18.50 (+/- 25 EUR) http://insigniamag.com/05_publications.html
Les 4 feuilles de décalcomanies consacrées aux avions de Tintin sont également disponibles sur le site de Blue Rider au prix de £5 – £6 la feuille selon le modèle. http://insigniamag.com/02_172_decals.html
Si vous êtes un tintinophile passionné d’avions et de modélisme, je ne vous apprends rien en évoquant les décalcomanies éditées par la marque Blue Rider sur le thème des avions de Tintin. Si j’évoque Blue Rider, c’est parce que cet éditeur anglais spécialisé dans le modélisme publie une série d’ouvrages consacrés entièrement aux avions dans les aventures de Tintin.
Le premier tome, intitulé “A scale modeller’s guide to Aircraft from the Adventures of Tintin – Part 1: The Early Albums”, vient de paraître. Il s’agit d’une véritable encyclopédie visuelle des machines volantes que l’on rencontre dans les premiers albums. Il couvre les albums de Tintin au Pays des Soviets jusqu’au Sceptre d’Ottokar.
Chaque avion y est minutieusement dessiné au trait, dans un style lisible et parfaitement maîtrisé, à mi-chemin entre le plan d’ingénieur et la Ligne claire si chère à Hergé.
Chaque avion est en outre décliné selon les différentes versions de l’album dans lequel il apparaît. Ainsi, le Howard DGA-4 des premières éditions de L’Ile Noire y figure sous 3 variantes différentes: gris pour la première édition en noir et blanc, vert pour la version publiée en feuilleton (probablement dans Coeur Vaillant, car le Petit Vingtième était à ma connaissance en noir et blanc), et enfin bleu pour la première édition en album couleur de 1943.
Chaque avion est en outre accompagné d’un bref commentaire décrivant les décorations, marques, identifiants et couleurs, ainsi que les particularités de la version dessinée par Hergé. L’auteur relève par exemple que le logo d’Air France sur le Wibault-Penhoët 283T est de la mauvaise couleur.
Enfin, et c’est ici qu’on se rappelle que le public cible de Blue Rider est le modéliste tintinophile, l’ouvrage se termine par une liste exhaustive des kits disponibles sur le marché pour les modèles d’avions présentés dans le livre. Les avions pour lesquels aucun kit n’est disponible à ce jour sont également mentionnés. Un beau travail de recherche.
J’ai pris la peine de vérifier et à ma grande satisfaction il ne manque aucun modèle d’avion dans ce premier tome! Je conseille donc ce livre, avec une toute petite réserve cependant: il n’est disponible qu’au format électronique. Vous devrez donc investir dans une nouvelle cartouche d’encre avant de l’imprimer! L’ouvrage est disponible soit au téléchargement, soit sous forme de CD-ROM. Dans ce cas il est accompagné de trois feuilles de décalcomanies Tintin.
Pour le reste, c’est une pure merveille et les dessins sont de toute beauté sans plagier ceux d’Hergé.
J’attends donc de pied ferme le tome 2, annoncé pour Mai 2015, qui couvrira les albums Le crabe aux Pinces d’or jusqu’au dernier paru du vivant d’Hergé, Les Picaros. De plus, ce second tome reprendra également tous les avions des aventures de Jo, Zette et Jocko.
Les deux ouvrages pris ensemble couvriront de ce fait une gamme d’avions bien plus large que les 50 modèles en acier proposés en collection par Hachette. Il ne manque plus qu’un texte détaillé sur chaque modèle, et nous aurons enfin une encyclopédie complète des avions de Hergé.
“A scale modeller’s guide to Aircraft from the Adventures of Tintin – Part 1: The Early Albums”
Blue Rider Publishing
Version ebook à télécharger : £9.99 (+/- 14 EUR)
Version CD-Rom + décals CD001, CD002 et CD005: £18.50 (+/- 25 EUR) http://insigniamag.com/05_publications.html
Les 4 feuilles de décalcomanies consacrées aux avions de Tintin sont également disponibles sur le site de Blue Rider au prix de £5 – £6 la feuille selon le modèle. http://insigniamag.com/02_172_decals.html
Le journal belge Le Soir, en collaboration avec Castermanet Moulinsart, propose depuis le 7 février 2015 une « magnifique collection » de 12 albums de Quick et Flupke.
Onze titres, de 48 pages chacun, sont annoncés (Série 1 à 11 des gags en couleur de Quick et Flupke tels qu’ils ont été publiés à partir de 1949 par Hergé). Un douzième titre, de 84 pages celui-là, viendra clore la série. Il s’agira de 31 gags en « bruxellois » accompagnés d’un lexique.
Je viens d’acquérir le premier titre de la série, paru ce jour même. Voici mon avis.
Le format de l’album est plus petit que celui d’une BD classique : 19,3 x 26 ,3 cm. Le dos de l’album est en cuir ou imitation cuir de couleur rouge, sans inscription. Cela fait certes authentique, mais ce n’est pas pratique pour piocher un volume précis sur l’étagère. C’est sans doute le sacrifice à faire pour disposer d’une réédition en fac-similé. L’édition est soignée, l’impression de qualité, Casterman oblige. Le papier en revanche est un peu fin. Attention ! Objet fragile.
Quant au contenu… je suis resté sur ma faim. Le volume contient 30 gags de Quick et Flupke, et sept pages d’introduction. Mais le texte de l’introduction n’occupe que le tiers inférieur de chaque page. Les 2/3 supérieurs reproduisent des crayonnés et des dessins d’Hergé, des photographies, des documents d’époque. Un calcul rapide nous montre donc que Goddin et Couvreur ont rédigé moins de deux pages et demi de texte pour accompagner ce volume (et j’imagine que les suivants seront présentés de la même façon, 2/3 documents, 1/3 texte). C’est peu, très peu. Multiplié par 11, cela ferait un total d’un peu plus de 25 pages.
La quantité n’y est donc pas, mais qu’en est-il de la qualité. Après lecture, l’introduction laisse un goût de superficialité. Les auteurs n’expliquent pas dans quel contexte Hergé est amené à créer la série, ils expliquent juste ce qui l’a inspiré (ses amis, les souvenirs d’enfance,…). Le « Petit Vingtième » est évoqué, mais ils omettent d’expliquer ce qu’est ce « Petit Vingtième ». Un lecteur qui n’est pas familiarisé avec l’univers d’Hergé risque de ne rien comprendre du tout. Ce texte aurait-il été « recyclé » à partir d’un article paru ailleurs, dans un autre contexte ?
Ils évoquent très brièvement l’histoire de ces « onze petits albums en couleur des Exploits de Quick et Flupke« , précisant que les éditions plus récentes ont été « adaptées voire redessinées par les Studios Hergé ». A nouveau, à moins de bien connaître l’histoire éditoriale de l’œuvre d’Hergé, et son parcours de dessinateur solitaire à directeur d’un Studio, le lecteur risque d’y perdre son latin… pardon, son bruxellois.
A 7,5 euros le volume, faut-il acheter cette série ?
Si vous possédez déjà la réédition des Exploits de Quick et Flupke (1949) en 2 volumes, parue en 2011 chez Casterman (ISBN 978-2203016101 et 978-2203047358, format 29×21,9 cm, 25 euros le volume), passez votre chemin ! Vous possédez déjà un contenu strictement identique, imprimée sur un papier plus épais et de meilleure qualité, dans un format plus grand, pour un prix nettement inférieur. Il vous manquera juste l’introduction de Couvreur et Goddin, dont le contenu est sans intérêt pour un tintinophile averti.
Les Exploits de Quick et Flupke – Intégrale couleur, vol. 1. Casterman, 2011. 182 p. ISBN 978-2203016101. 25 euros.
Les Exploits de Quick et Flupke – Intégrale couleur, vol. 2. Casterman, 2011. 151 p. ISBN 978-2203047358. 25 euros.
Vous possédez déjà du Quick et Flupke dans une édition récente, ou vous ne possédez aucun album de la série. Si vous vous intéressez aux dessins originaux d’Hergé, non-retouchés par ses collaborateurs du Studio, le choix est simple : prenez l’édition en deux volumes. Elle vous reviendra nettement moins chère pour un produit de meilleure qualité.
Vous êtes un collectionneur fou : dans ce cas, vous allez de toute façon acheter les 11 titres de la collection.
Reste le mythique 12eme titre – celui qui proposera 31 gags en bruxellois avec un lexique. Celui-là, manneke, je l’attend de pied ferme. Pour ça, tu peux me croire !
Tournesol s’est fait enlever ! Quoi ? Encore ? Il n’a pas appris à se montrer prudent avec les inconnus depuis sa mésaventure en Amérique du sud ? Sacré Tryphon.
La figurine qui accompagne l’album.
Voici ce que contient exactement l’album
JOURNAL 1955-1956 (PP. 5-7)
CONFÉRENCE DE BANDOENG – INNONDATIONS À PARIS – LA NOUVELLE INDOCHINE – ARGENTINE : CHUTE DE PÈRON – GENÈVE : L’ALLEMAGNE AU POINT MORT – L’ORAGE ÉCLATE AU MAGHREB – RETOUR DU SULTAN ET INDÉPENDANCE DU MAROC – FIN DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE – URSS : LE XXe CONGRÈS – GUERRE SCOLAIRE EN BELGIQUE – RAPPROCHEMENT KROUCHTCHEV-TITO – SUR LES ÉCRANS – EN BREF
AVANT LE CASSE-PIPE – DU BRABANT-WALLON AU LAC LÉMAN – COUSINS DES DUPONDT – SECRETS DE FABRICATION – LE MAÎTRE DU JEU – MAGASIN D’ACCESSOIRES
LES ACTEURS (PP. 27-37)
TINTIN – HADDOCK – TOURNESOL – NESTOR – DUPONDT – BOLDOV – BORIS – CARTOFFOLI – CASTAFIORE – FRANÇOIS – IRMA – JULES – KARDOUK – KAVITCH – KRONICK & HIMMERSZECK – LAMPION – LASZLO – PLEKSY-GLADZ – SANZOT – SPONSZ – STANY – SZPEINKOTH – TOPOLINO – WAGNER – WLADIMIR – UN LAITIER – DES PETITS MÉTIERS FORAINS – DES AGENTS SECRETS – UN CHAUFFEUR DE TAXI – DES POMPIERS – DES GENDARMES – DES RANDONNEURS – UN MARCHAND DE TAPIS – UN ESPION SYLDAVE – UN GOMMEUX – UNE DAME AU CHAPEAU – DES REPRÉSENTANTS DE LA CROIX-ROUGE – DES DOUANIERS – …ET LA FAMILLE LAMPION
ANNONCES ET INÉDITS EN ALBUM (PP. 38-41)
L’ALBUM – L’AFFAIRE TOURNESOL (PP. 43-108)
PENDANT CE TEMPS… HERGÉ (PP. 110-131)
CHRONOLOGIE HERGÉ 1953-1956 – LES AUTRES ACTIVITÉS : LA PRESSE, L’ÉDITION, LA PUBLICITÉ, LE CHÈQUE TINTIN, UN MAGASIN TINTIN 1956 – CHROMOS VOIR ET SAVOIR – CARTES DE VŒUX – CALENDRIERS
COLLECTIONNEURS ET COLLECTIONS (PP. 132-136)
COUVERTURES ET COTES DES DIFFÉRENTES EDITIONS DE L’ALBUM – BIBLIOGRAPHIE – EDITIONS ÉTRANGÈRES ET TRADUCTIONS RÉGIONALES
Voici mon avis détaillé sur le contenu.
I.Préface
Journal 1955-1956
Sur fond de guerre froide, les colonies, protectorats et autres « comptoirs » occidentaux commencent à se révolter. Plusieurs pays du Maghreb obtiennent leur indépendance. L’Algérie et le reste de l’Afrique suivront dans la décennie. L’article consacré à la « guerre scolaire » en Belgique est également là pour nous rappeler un contexte politique toujours d’actualité.
Les sources de l’œuvre
Guerre froide et héritage des recherches scientifique de la seconde guerre mondiale, régimes totalitaires et régimes démocratiques obsédés par le contre-espionnage et la chasse aux idéologies communistes, et un simple fait divers. Il n’en faut pas plus à Hergé pour bâtir un scénario d’album. Reste « la » question, posée par Jean-Marie Embs et Philippe Mellot, sur laquelle je reviens plus loin.
Revue de détails
Un vrai catalogue automobile des années 1950 que cet album – et les auteurs ne se privent pas du plaisir d’en évoquer les principales. Mais l’album est également riche en décors et véhicules inhabituels, tel cet hélicoptère Bell 47. Enfin, belle trouvaille que celle des casquettes bordures reprenant la forme des moustaches de Plekzy-Gladz.
Les secrets d’une création
Philippe Goddin nous livre cette fois de véritables secrets de fabrication : une planche « collective » sur laquelle tant Hergé que ses collaborateurs ont apporté leur touche respective. L’élaboration d’une planche, des croquis préparatoires et du découpage initial au crayonné détaillé. Il nous montre également comment, d’une photographie prise par Hergé en suisse, ses collaborateurs du Studio tirent l’un des décors de l’aventure et comment ils s’inspirent du mobilier des studios pour décorer le bureau d’un officier Bordure. Rien à redire sur la contribution de Goddin à cet album.
Les acteurs
C’est une longue, très longue galerie de portraits, dans laquelle les auteurs se lâchent sur deux pages et demi au sujet d’un Séraphin Lampion qui, convenons-en, l’a bien cherché. C’est également l’occasion pour les auteurs de rappeler les changements profonds qui s’opèrent tant sur le plan social qu’économique à l’époque. Changements qui inspirent à Hergé ce personnage à nul pareil qui, 10 ans plus tôt, n’aurait tout simplement pas pu exister. Dommage en revanche que les auteurs aient omis de signaler que le patronyme « Topolino » a été emprunté par Hergé à Mickey, en effet Mickey Mouse s’appelle Topolino en italien. Dès lors, le millésime 1947 servi par le Professeur Topolino au capitaine Haddock doit certainement avoir une signification. Mais laquelle ?
Annonces et inédits en album
La pré-publication de l’album dans le journal Tintin s’accompagne de résumés des planches précédentes, résumés reproduits dans leur intégralité ici.
II. L’album
C’est l’un des albums que j’appréciais le moins étant enfant. J’avais le sentiment de lire une BD destiné à un public plus adulte. C’est l’ambiance « roman d’espionnage » à la « James Bond » sans doute, ainsi que l’absence de toute « fantaisie » qui en fait un album un peu plus froid que les créations plus anciennes d’Hergé. L’inoubliable gag du Sparadrap, du micro-film qui s’enflamme et met le feu à la barbe du capitaine, etc. n’ont pas suffi à gagner mes faveurs. Et puis, il y a la fameuse « question » posée par Jean-Marie Embs et Philippe Mellot. Une question qui m’obsède également depuis mes lectures d’enfance. Les Syldaves ne sont-ils pas les alliés de Tintin ? Lui qui porte le titre de chevalier de l’ordre du pélican d’or ? Le professeur Tournesol n’est-il pas le responsable attitré du programme spatial Syldave ? Alors pourquoi des espions Syldaves tentent-ils d’enlever le professeur pour mettre la main sur sa dernière invention ? C’est à tel point incompréhensible que lors de mes premières lectures de l’album étant enfant, je n’avais même pas compris qu’il y avait deux camps différents qui tentaient d’enlever le professeur. Ligne claire qu’ils disaient ?
III. Postface
Dans la chronologie, on sent à quel point Hergé commence à tirer parti de son « Studio » : ses collaborateurs se montrent très efficaces et la production est abondante et de qualité. Il faut bien : entre le magazine Tintin qu’il faut alimenter en contenu et publicités à l’effigie de Tintin, les anciens albums qu’il faut moderniser, les nouveaux qu’il faut dessiner et les nombreux produits dérivés qui inondent progressivement le marché, le studio tourne à plein régime. Les auteurs évoquent même l’ouverture de premiers magasins « Tintin » par les deux éditeurs du journal pour écouler tous ces gadgets : Dargaud pour la France et Le Lombard pour la Belgique. Nous avons droit également à la reproduction de nombreux chromos Voir et Savoir, pour les amateurs de la chose.
Hergé, à quel point l’auteur et ses personnages sont devenus populaires. On mesure également le changement radical que cette charge de travail implique dans la routine artistique et créative de Hergé. Faut-il y voir l’un des éléments qui expliquent la lassitude de Hergé face à son œuvre et son travail à partir de cette époque ?
Conclusion
L’album en lui-même ne soulève toujours pas l’enthousiasme chez moi, même en lecture « d’adulte » et à l’éclairage de son contexte historique. En revanche, les suppléments proposés en début et en fin de volume par les éditions Atlas ne déçoivent pas. Mention spéciale, une fois n’est pas coutume, à Philippe Goddin qui a su trouver cette fois de quoi satisfaire ma soif de « secrets de fabrication ».
Le « Lotus bleu » est le premier tome de la série pour les lecteurs français. Les lecteurs belges recevant « Le Secret de la Licorne » comme premier envoi (et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre !), il m’aura fallu patienter quelque peu avant de découvrir cet album charnière dans la carrière d’Hergé.
La figurine qui accompagne l’album.
Voici ce que contient exactement l’album :
JOURNAL 1934-1935 (PP. 5-7)
LA BELGIQUE EN DEUIL – PREMIÈRE RENCONTRE D’HITLER ET DE MUSSOLINI – NUIT SANGLANTE EN ALLEMAGNE – ALEXANDRE DE YOUGOSLAVIE EST ASSASSINÉ À MARSEILLE – FAIBLESSE ET NUAGE SUR L’ENTENTE – PREMIÈRE DÉCHIRURE DU TRAITÉ DE VERSAILLES. MESURES CONTRE LES JUIFS – HITLER DÉFINITIVEMENT MAÎTRE DE L’ALLEMAGNE – DE LA SCÈNE À L’ÉCRAN – RÊVE D’EMPIRE. L’AFFAIRE ÉTHIOPIENNE – LA SARRE CHOISIT L’ALLEMAGNE – L’URSS MET FIN À SON ISOLEMENT – VIENNE : MEURTRE À LA CHANCELLERIE – EXPOSITION DE BRUXELLES – CITROËN LANCE LA TRACTION – NOUVELLES D’AILLEURS… JAPON, CHINE – PREMIÈRES PURGES STALINIENNES – ÉCHOS DE LA BANDE DESSINÉE – TRAVERSÉE INAUGURALE DU NORMANDIE – LA MODE 34/35
LES SOURCES DE L’ŒUVRE (PP. 8-15)
LA CHINE – LA CONCESSION INTERNATIONALE – LE JAPON – LES ÉVÉNEMENTS – LA SOCIÉTÉ DES NATIONS – TINTIN RADIOAMATEUR – TCHANG TCHONG-JEN
REVUE DE DÉTAILS (PP. 16-20)
RANCHI – LE PAQUEBOT DU RETOUR – LA FLOTTE JAPONAISE – LE TRAIN BLINDÉ – L’AUTOMOBILE RÉQUISITIONNÉE – LES VÉHICULES AUTOMOBILES – L’AUTOMITRAILLEUSE – TENUE DES TROUPES JAPONAISES – LES TROUPES BRITANIQUES – LES DÉCORS DE SHANGHAI – L’OPIUM EN CHINE _ AU CINÉMA – PETITE BIZARRERIE DU SCÉNARIO
LES SECRETS D’UNE CRÉATION (PP. 21-25)
PINCEAUX CHINOIS – UN ART – PRIS SUR LE FAIT – JEUX DE LUMIÈRE – LE DÉCOR AD HOC –BLEU DE CHINE – UNE CHINE AUTHENTIQUE – UN FIGURANT DOCILE – AUX PIEDS, MILOU !… – TRANSPARENCES
CHRONOLOGIE HERGÉ 1934-1935 – LES AUTRES HÉROS : QUICK ET FLUPKE, POPOL ET VIRGINIE – LES AUTRES ACTIVITÉS : LA PRESSE, LA PUBLICITÉ, PROGRAMMES ET PLAQUETTES, CATALOGUES, ILLUSTRATIONS, L’OISEAU DE FRANCE, LES FILMS FIXES
COLLECTIONNEURS ET COLLECTIONS (PP. 124-128)
COUVERTURES ET COTES DES DIFFÉRENTES EDITIONS DE L’ALBUM – BIBLIOGRAPHIE – EDITIONS ÉTRANGÈRES ET TRADUCTIONS RÉGIONALES
Voici mon avis détaillé sur le contenu.
I. Préface
Journal 1934-1935
La revue de presse se concentre essentiellement sur la montée du nazisme et du fascisme en Europe, ainsi que l’évolution politique en union soviétique. Des articles qui donnent froid dans le dos…
Les sources de l’œuvre
Jean-Marie Embs et Philippe Mellot reviennent longuement sur le contexte politique dans lequel se situe cet album de Tintin : l’instabilité politique en Chine et les ambitions impériales japonaises. Au passage, ils évoquent l’histoire des concessions internationales de Shanghai – une page d’histoire indispensable si l’on veut comprendre l’album. Le tout illustré d’authentiques documents ayant inspiré des dessins à Hergé. Ils consacrent également une double page à la rencontre entre Hergé et Tchang, et son influence sur la suite de l’œuvre d’Hergé.
Revue de détails
Paquebots, bâtiments de guerre, voitures, blindés, uniformes, costumes chinois, décors de Shanghai… tout y est. Les auteurs évoquent même, image à l’appui, une scène de cinéma qui a incontestablement inspiré Hergé. Seul l’encart consacré à l’opium en Chine n’est pas à sa place : il aurait dû figurer dans les « sources de l’œuvre » à mon avis. Mais c’est un détail…
Les secrets d’une création
Cette fois, enfin !, Philippe Goddin nous livre quelques secrets d’atelier. Il nous montre comment Hergé passe d’une photographie à la caricature qu’est le visage de Mitsuhirato. Il présente un dessin inhabituel dans lequel Hergé met en pratique l’enseignement de Tchang : une vignette reprenant une case du « Lotus Bleu », mais réalisé au lavis d’encre de chine et au pinceau… une vrai merveille ! Il nous explique comment Hergé passe d’un premier découpage, crayonné au dos d’une planche, au découpage définitif de la planche. Comment Hergé se documente et construit ses décors, joue avec les ombres et la lumière. On a même droit à une explication technique sur la raison d’être du lavis bleu sur les planches originales. Enfin ! Les secrets d’une création révélés. Pourquoi n’a-t-on pas droit à d’aussi intéressants commentaires de sa part dans les autres volumes de la collection ?
Les acteurs
Comme à chaque fois, cette galerie de portraits est un véritable régal à la lecture. Les auteurs détaillent l’évolution graphique et psychologique que subissent Tintin, Milou et les Dupondt. Ils reviennent également sur l’amitié qui lie Hergé à Tchang et font le lien avec celle qui nait entre le personnage de Tchang et Tintin. On a également droit au portrait des méchants classiques que sont Mitsuhirato et Rastapopoulos. Le point soulevé par les auteurs concernant le traitement graphique des japonais par Hergé mériterait d’être moins « prudent » : Hergé leur dessine non seulement de « longues dents » (déjà tout un symbole) mais il affuble également Mitsuhirato d’un nez de cochon !
Tintin fait la une du Petit Vingtième
Cette rubrique reprend l’ensemble des couvertures du Petit Vingtième réalisées par Hergé pour accompagner la parution du « Lotus Bleu ». Certaines sont tout simplement époustouflantes, et on sent nettement l’influence des leçons de Tchang dans certaines d’entre-elles. Du tout grand Hergé !
Le mystère de Tintin
Craignant sans doute que l’intrigue fut un peu trop complexe pour ses jeunes lecteurs, Hergé décide de publier une « annonce et mise au point » dans le Petit Vingtième avant de publier les dernières planches de son histoire. A cette occasion, Hergé réalise un portrait en buste des principaux personnages de l’aventure. C’est son collègue et ami Jam qui rédige le texte, résumant le rôle et la place de chacun dans l’intrigue qui est sur le point de se dénouer. Un inédit exceptionnel, une page oubliée et pourtant essentielle dans l’histoire de cet album.
II. L’album
Que dire du « Lotus bleu » qui n’ait pas encore été dit. L’un des albums clés de toute l’histoire de la bande dessinée.
III. Postface
La Chronologie est ici très courte, même si elle couvre deux années particulièrement importantes dans la vie d’Hergé. Il y a la rencontre avec Tchang, déjà longuement évoquée dans la préface. Mais il y a également la création de la première société d’Hergé : l’Atelier Hergé. Hergé tente en effet de se lancer dans l’illustration publicitaire. La rubrique « Autres activités » témoigne de l’impact qu’à cette nouvelle entreprise sur la production d’Hergé. L’atelier Hergé sera liquidé seulement quelques mois après sa création, mais Hergé sera encore régulièrement sollicité pour des illustrations publicitaires dans les années suivantes. La rubrique « Autres Héros » évoque les exploits de Quick et Flupke dans le Petit Vingtième, ainsi que la parution de l’unique aventure de Popol et Virginie, toujours dans les pages du Petit Vingtième. Hergé déborde d’énergie créative. Mais à trop tirer sur la corde…
Hergé, à quel point l’auteur et ses personnages sont devenus populaires. On mesure également le changement radical que cette charge de travail implique dans la routine artistique et créative de Hergé. Faut-il y voir l’un des éléments qui expliquent la lassitude de Hergé face à son œuvre et son travail à partir de cette époque ?
Conclusion
Mon choix de cœur va bien évidemment au « Secret de la Licorne ». Néanmoins, je dois avouer que « Le Lotus bleu » lui est bien supérieur en termes de suppléments dans cette collection. Pas étonnant qu’Atlas en ait fait le premier tome de la collection pour le marché français. Reste à savoir si le volume et la qualité des suppléments résulte de la richesse de la documentation disponible pour cet album, ou si elle reflète simplement un soin particulier apporté au premier album de la collection. Pour ma part, si à ce stade je devais conseiller l’achat d’un seul album de la collection, ce serait sans hésiter « Le Lotus bleu ».