Mon avis sur Les Archives Tintin (Atlas), vol. 9 – L’Affaire Tournesol

Tournesol s’est fait enlever ! Quoi ? Encore ? Il n’a pas appris à se montrer prudent avec les inconnus depuis sa mésaventure en Amérique du sud ? Sacré Tryphon.

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La figurine qui accompagne l’album.

 

Voici ce que contient exactement l’album

 

JOURNAL 1955-1956 (PP. 5-7)

CONFÉRENCE DE BANDOENG – INNONDATIONS À PARIS – LA NOUVELLE INDOCHINE – ARGENTINE : CHUTE DE PÈRON – GENÈVE : L’ALLEMAGNE AU POINT MORT – L’ORAGE ÉCLATE AU MAGHREB – RETOUR DU SULTAN ET INDÉPENDANCE DU MAROC – FIN DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE – URSS : LE XXe CONGRÈS – GUERRE SCOLAIRE EN BELGIQUE – RAPPROCHEMENT KROUCHTCHEV-TITO – SUR LES ÉCRANS – EN BREF

LES SOURCES DE L’ŒUVRE (PP. 8-13)

SOURCE DIRECTE – FICTION – DES MODÈLES IMPRÉCIS – TROP D’AISANCE AFFICHÉE – UN RÉGIME MILITAIRE – …ET THÉORIQUE – QUESTION

REVUE DE DÉTAILS (PP. 14-21)

RÉTROSPECTIVE TRAIN – BATEAU – AVIONS – ARMÉE BRODURE

LES SECRETS D’UNE CRÉATION (PP. 22-26)

AVANT LE CASSE-PIPE – DU BRABANT-WALLON AU LAC LÉMAN – COUSINS DES DUPONDT – SECRETS DE FABRICATION – LE MAÎTRE DU JEU – MAGASIN D’ACCESSOIRES

LES ACTEURS (PP. 27-37)

TINTIN – HADDOCK – TOURNESOL – NESTOR – DUPONDT – BOLDOV – BORIS – CARTOFFOLI – CASTAFIORE – FRANÇOIS – IRMA – JULES – KARDOUK – KAVITCH – KRONICK & HIMMERSZECK – LAMPION – LASZLO – PLEKSY-GLADZ – SANZOT – SPONSZ – STANY – SZPEINKOTH – TOPOLINO – WAGNER – WLADIMIR – UN LAITIER – DES PETITS MÉTIERS FORAINS – DES AGENTS SECRETS – UN CHAUFFEUR DE TAXI – DES POMPIERS – DES GENDARMES – DES RANDONNEURS – UN MARCHAND DE TAPIS – UN ESPION SYLDAVE – UN GOMMEUX – UNE DAME AU CHAPEAU – DES REPRÉSENTANTS DE LA CROIX-ROUGE – DES DOUANIERS – …ET LA FAMILLE LAMPION

ANNONCES ET INÉDITS EN ALBUM (PP. 38-41)

L’ALBUM – L’AFFAIRE TOURNESOL (PP. 43-108)

PENDANT CE TEMPS… HERGÉ (PP. 110-131)

CHRONOLOGIE HERGÉ 1953-1956 – LES AUTRES ACTIVITÉS : LA PRESSE, L’ÉDITION, LA PUBLICITÉ, LE CHÈQUE TINTIN, UN MAGASIN TINTIN 1956 – CHROMOS VOIR ET SAVOIR – CARTES DE VŒUX – CALENDRIERS

COLLECTIONNEURS ET COLLECTIONS (PP. 132-136)

COUVERTURES ET COTES DES DIFFÉRENTES EDITIONS DE L’ALBUM – BIBLIOGRAPHIE – EDITIONS ÉTRANGÈRES ET TRADUCTIONS RÉGIONALES

 

Voici mon avis détaillé sur le contenu.

I.Préface

Journal 1955-1956

Sur fond de guerre froide, les colonies, protectorats et autres « comptoirs » occidentaux commencent à se révolter. Plusieurs pays du Maghreb obtiennent leur indépendance. L’Algérie et le reste de l’Afrique suivront dans la décennie. L’article consacré à la « guerre scolaire » en Belgique est également là pour nous rappeler un contexte politique toujours d’actualité.

Les sources de l’œuvre

Guerre froide et héritage des recherches scientifique de la seconde guerre mondiale, régimes totalitaires et régimes démocratiques obsédés par le contre-espionnage et la chasse aux idéologies communistes, et un simple fait divers. Il n’en faut pas plus à Hergé pour bâtir un scénario d’album. Reste « la » question, posée par Jean-Marie Embs et Philippe Mellot, sur laquelle je reviens plus loin.

Revue de détails

Un vrai catalogue automobile des années 1950 que cet album – et les auteurs ne se privent pas du plaisir d’en évoquer les principales. Mais l’album est également riche en décors et véhicules inhabituels, tel cet hélicoptère Bell 47. Enfin, belle trouvaille que celle des casquettes bordures reprenant la forme des moustaches de Plekzy-Gladz.

Les secrets d’une création

Philippe Goddin nous livre cette fois de véritables secrets de fabrication : une planche « collective » sur laquelle tant Hergé que ses collaborateurs ont apporté leur touche respective. L’élaboration d’une planche, des croquis préparatoires et du découpage initial au crayonné détaillé. Il nous montre également comment, d’une photographie prise par Hergé en suisse, ses collaborateurs du Studio tirent l’un des décors de l’aventure et comment ils s’inspirent du mobilier des studios pour décorer le bureau d’un officier Bordure. Rien à redire sur la contribution de Goddin à cet album.

Les acteurs

C’est une longue, très longue galerie de portraits, dans laquelle les auteurs se lâchent sur deux pages et demi au sujet d’un Séraphin Lampion qui, convenons-en, l’a bien cherché. C’est également l’occasion pour les auteurs de rappeler les changements profonds qui s’opèrent tant sur le plan social qu’économique à l’époque. Changements qui inspirent à Hergé ce personnage à nul pareil qui, 10 ans plus tôt, n’aurait tout simplement pas pu exister. Dommage en revanche que les auteurs aient omis de signaler que le patronyme « Topolino » a été emprunté par Hergé à Mickey, en effet Mickey Mouse s’appelle Topolino en italien. Dès lors, le millésime 1947 servi par le Professeur Topolino au capitaine Haddock doit certainement avoir une signification. Mais laquelle ?

Annonces et inédits en album

La pré-publication de l’album dans le journal Tintin s’accompagne de résumés des planches précédentes, résumés reproduits dans leur intégralité ici.

II. L’album

C’est l’un des albums que j’appréciais le moins étant enfant. J’avais le sentiment de lire une BD destiné à un public plus adulte. C’est l’ambiance « roman d’espionnage » à la « James Bond » sans doute, ainsi que l’absence de toute « fantaisie » qui en fait un album un peu plus froid que les créations plus anciennes d’Hergé. L’inoubliable gag du Sparadrap, du micro-film qui s’enflamme et met le feu à la barbe du capitaine, etc. n’ont pas suffi à gagner mes faveurs. Et puis, il y a la fameuse « question » posée par Jean-Marie Embs et Philippe Mellot. Une question qui m’obsède également depuis mes lectures d’enfance. Les Syldaves ne sont-ils pas les alliés de Tintin ? Lui qui porte le titre de chevalier de l’ordre du pélican d’or ? Le professeur Tournesol n’est-il pas le responsable attitré du programme spatial Syldave ? Alors pourquoi des espions Syldaves tentent-ils d’enlever le professeur pour mettre la main sur sa dernière invention ? C’est à tel point incompréhensible que lors de mes premières lectures de l’album étant enfant, je n’avais même pas compris qu’il y avait deux camps différents qui tentaient d’enlever le professeur. Ligne claire qu’ils disaient ?

III. Postface

Dans la chronologie, on sent à quel point Hergé commence à tirer parti de son « Studio » : ses collaborateurs se montrent très efficaces et la production est abondante et de qualité. Il faut bien : entre le magazine Tintin qu’il faut alimenter en contenu et publicités à l’effigie de Tintin, les anciens albums qu’il faut moderniser, les nouveaux qu’il faut dessiner et les nombreux produits dérivés qui inondent progressivement le marché, le studio tourne à plein régime. Les auteurs évoquent même l’ouverture de premiers magasins « Tintin » par les deux éditeurs du journal pour écouler tous ces gadgets : Dargaud pour la France et Le Lombard pour la Belgique. Nous avons droit également à la reproduction de nombreux chromos Voir et Savoir, pour les amateurs de la chose.

Hergé, à quel point l’auteur et ses personnages sont devenus populaires. On mesure également le changement radical que cette charge de travail implique dans la routine artistique et créative de Hergé. Faut-il y voir l’un des éléments qui expliquent la lassitude de Hergé face à son œuvre et son travail à partir de cette époque ?

Conclusion

L’album en lui-même ne soulève toujours pas l’enthousiasme chez moi, même en lecture « d’adulte » et à l’éclairage de son contexte historique. En revanche, les suppléments proposés en début et en fin de volume par les éditions Atlas ne déçoivent pas. Mention spéciale, une fois n’est pas coutume, à Philippe Goddin qui a su trouver cette fois de quoi satisfaire ma soif de « secrets de fabrication ».


Mon avis sur Les Archives Tintin (Atlas), vol. 8 – Le Lotus bleu

Le « Lotus bleu » est le premier tome de la série pour les lecteurs français. Les lecteurs belges recevant « Le Secret de la Licorne » comme premier envoi (et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre !), il m’aura fallu patienter quelque peu avant de découvrir cet album charnière dans la carrière d’Hergé.

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La figurine qui accompagne l’album.

 

 

Voici ce que contient exactement l’album :

 

JOURNAL 1934-1935 (PP. 5-7)

LA BELGIQUE EN DEUIL – PREMIÈRE RENCONTRE D’HITLER ET DE MUSSOLINI – NUIT SANGLANTE EN ALLEMAGNE – ALEXANDRE DE YOUGOSLAVIE EST ASSASSINÉ À MARSEILLE – FAIBLESSE ET NUAGE SUR L’ENTENTE – PREMIÈRE DÉCHIRURE DU TRAITÉ DE VERSAILLES. MESURES CONTRE LES JUIFS – HITLER DÉFINITIVEMENT MAÎTRE DE L’ALLEMAGNE – DE LA SCÈNE À L’ÉCRAN – RÊVE D’EMPIRE. L’AFFAIRE ÉTHIOPIENNE – LA SARRE CHOISIT L’ALLEMAGNE – L’URSS MET FIN À SON ISOLEMENT – VIENNE : MEURTRE À LA CHANCELLERIE – EXPOSITION DE BRUXELLES – CITROËN LANCE LA TRACTION – NOUVELLES D’AILLEURS… JAPON, CHINE – PREMIÈRES PURGES STALINIENNES – ÉCHOS DE LA BANDE DESSINÉE – TRAVERSÉE INAUGURALE DU NORMANDIE – LA MODE 34/35

LES SOURCES DE L’ŒUVRE (PP. 8-15)

LA CHINE – LA CONCESSION INTERNATIONALE – LE JAPON – LES ÉVÉNEMENTS – LA SOCIÉTÉ DES NATIONS – TINTIN RADIOAMATEUR – TCHANG TCHONG-JEN

REVUE DE DÉTAILS (PP. 16-20)

RANCHI – LE PAQUEBOT DU RETOUR – LA FLOTTE JAPONAISE – LE TRAIN BLINDÉ – L’AUTOMOBILE RÉQUISITIONNÉE – LES VÉHICULES AUTOMOBILES – L’AUTOMITRAILLEUSE – TENUE DES TROUPES JAPONAISES – LES TROUPES BRITANIQUES – LES DÉCORS DE SHANGHAI – L’OPIUM EN CHINE _ AU CINÉMA – PETITE BIZARRERIE DU SCÉNARIO

LES SECRETS D’UNE CRÉATION (PP. 21-25)

PINCEAUX CHINOIS – UN ART – PRIS SUR LE FAIT – JEUX DE LUMIÈRE – LE DÉCOR AD HOC –BLEU DE CHINE – UNE CHINE AUTHENTIQUE – UN FIGURANT DOCILE – AUX PIEDS, MILOU !… – TRANSPARENCES

LES ACTEURS (PP. 26-31)

TINTIN – …ET MILOU – TCHANG TCHONG-JEN – CIPAÇALOUVISHNI – DAWSON – DIDI – DUPONDT – FANG SE_YENG – GIBBONS (W.R.) – HARANOCHI – HONORAT – HYMANS – LIOU JU-LIN – MAHARADJA DE RAWHAJPOUTALAH – MITSUHIRATO – RASTAPOPOULOS – WANG JEN-GHIÉ – YAMATO – AUTRES ACTEURS – FIGURANTS – …ET UN PARTICULIER INTÉRESSANT

TINTIN FAIT LA UNE DU PETIT VINGTIÉME (PP. 32-39)

LE MYSTÈRE TINTIN (PP .40-41)

L’ALBUM – LE LOTUS BLEU (PP. 43-108)

PENDANT CE TEMPS… HERGÉ (PP. 110-123)

CHRONOLOGIE HERGÉ 1934-1935 – LES AUTRES HÉROS : QUICK ET FLUPKE, POPOL ET VIRGINIE – LES AUTRES ACTIVITÉS : LA PRESSE, LA PUBLICITÉ, PROGRAMMES ET PLAQUETTES, CATALOGUES, ILLUSTRATIONS, L’OISEAU DE FRANCE, LES FILMS FIXES

COLLECTIONNEURS ET COLLECTIONS (PP. 124-128)

COUVERTURES ET COTES DES DIFFÉRENTES EDITIONS DE L’ALBUM – BIBLIOGRAPHIE – EDITIONS ÉTRANGÈRES ET TRADUCTIONS RÉGIONALES

 

Voici mon avis détaillé sur le contenu.

I. Préface

 

Journal 1934-1935

La revue de presse se concentre essentiellement sur la montée du nazisme et du fascisme en Europe, ainsi que l’évolution politique en union soviétique. Des articles qui donnent froid dans le dos…

 

Les sources de l’œuvre

Jean-Marie Embs et Philippe Mellot reviennent longuement sur le contexte politique dans lequel se situe cet album de Tintin : l’instabilité politique en Chine et les ambitions impériales japonaises. Au passage, ils évoquent l’histoire des concessions internationales de Shanghai – une page d’histoire indispensable si l’on veut comprendre l’album. Le tout illustré d’authentiques documents ayant inspiré des dessins à Hergé. Ils consacrent également une double page à la rencontre entre Hergé et Tchang, et son influence sur la suite de l’œuvre d’Hergé.

 

Revue de détails

Paquebots, bâtiments de guerre, voitures, blindés, uniformes, costumes chinois, décors de Shanghai… tout y est. Les auteurs évoquent même, image à l’appui, une scène de cinéma qui a incontestablement inspiré Hergé. Seul l’encart consacré à l’opium en Chine n’est pas à sa place : il aurait dû figurer dans les « sources de l’œuvre » à mon avis. Mais c’est un détail…

 

Les secrets d’une création

Cette fois, enfin !, Philippe Goddin nous livre quelques secrets d’atelier. Il nous montre comment Hergé passe d’une photographie à la caricature qu’est le visage de Mitsuhirato. Il présente un dessin inhabituel dans lequel Hergé met en pratique l’enseignement de Tchang : une vignette reprenant une case du « Lotus Bleu », mais réalisé au lavis d’encre de chine et au pinceau… une vrai merveille ! Il nous explique comment Hergé passe d’un premier découpage, crayonné au dos d’une planche, au découpage définitif de la planche. Comment Hergé se documente et construit ses décors, joue avec les ombres et la lumière. On a même droit à une explication technique sur la raison d’être du lavis bleu sur les planches originales. Enfin ! Les secrets d’une création révélés. Pourquoi n’a-t-on pas droit à d’aussi intéressants commentaires de sa part dans les autres volumes de la collection ?

 

Les acteurs

Comme à chaque fois, cette galerie de portraits est un véritable régal à la lecture. Les auteurs détaillent l’évolution graphique et psychologique que subissent Tintin, Milou et les Dupondt. Ils reviennent également sur l’amitié qui lie Hergé à Tchang et font le lien avec celle qui nait entre le personnage de Tchang et Tintin. On a également droit au portrait des méchants classiques que sont Mitsuhirato et Rastapopoulos. Le point soulevé par les auteurs concernant le traitement graphique des japonais par Hergé mériterait d’être moins « prudent » : Hergé leur dessine non seulement de « longues dents » (déjà tout un symbole) mais il affuble également Mitsuhirato d’un nez de cochon !

 

Tintin fait la une du Petit Vingtième

Cette rubrique reprend l’ensemble des couvertures du Petit Vingtième réalisées par Hergé pour accompagner la parution du « Lotus Bleu ». Certaines sont tout simplement époustouflantes, et on sent nettement l’influence des leçons de Tchang dans certaines d’entre-elles.  Du tout grand Hergé !

 

Le mystère de Tintin

Craignant sans doute que l’intrigue fut un peu trop complexe pour ses jeunes lecteurs, Hergé décide de publier une « annonce et mise au point » dans le Petit Vingtième avant de publier les dernières planches de son histoire. A cette occasion, Hergé réalise un portrait en buste des principaux personnages de l’aventure. C’est son collègue et ami Jam qui rédige le texte, résumant le rôle et la place de chacun dans l’intrigue qui est sur le point de se dénouer. Un inédit exceptionnel, une page oubliée et pourtant essentielle dans l’histoire de cet album.

II. L’album

Que dire du « Lotus bleu » qui n’ait pas encore été dit. L’un des albums clés de toute l’histoire de la bande dessinée.

 

III. Postface

La Chronologie est ici très courte, même si elle couvre deux années particulièrement importantes dans la vie d’Hergé. Il y a la rencontre avec Tchang, déjà longuement évoquée dans la préface. Mais il y a également la création de la première société d’Hergé : l’Atelier Hergé. Hergé tente en effet de se lancer dans l’illustration publicitaire. La rubrique « Autres activités » témoigne de l’impact qu’à cette nouvelle entreprise sur la production d’Hergé. L’atelier Hergé sera liquidé seulement quelques mois après sa création, mais Hergé sera encore régulièrement sollicité pour des illustrations publicitaires dans les années suivantes. La rubrique « Autres Héros » évoque les exploits de Quick et Flupke dans le Petit Vingtième, ainsi que la parution de l’unique aventure de Popol et Virginie, toujours dans les pages du Petit Vingtième. Hergé déborde d’énergie créative. Mais à trop tirer sur la corde…

Hergé, à quel point l’auteur et ses personnages sont devenus populaires. On mesure également le changement radical que cette charge de travail implique dans la routine artistique et créative de Hergé. Faut-il y voir l’un des éléments qui expliquent la lassitude de Hergé face à son œuvre et son travail à partir de cette époque ?

Conclusion

Mon choix de cœur va bien évidemment au « Secret de la Licorne ». Néanmoins, je dois avouer que « Le Lotus bleu » lui est bien supérieur en termes de suppléments dans cette collection. Pas étonnant qu’Atlas en ait fait le premier tome de la collection pour le marché français. Reste à savoir si le volume et la qualité des suppléments résulte de la richesse de la documentation disponible pour cet album, ou si elle reflète simplement un soin particulier apporté au premier album de la collection. Pour ma part, si à ce stade je devais conseiller l’achat d’un seul album de la collection, ce serait sans hésiter « Le Lotus bleu ».


Mon avis sur Les Archives Tintin (Atlas), vol. 7 – Au pays de l’Or Noir

Reçu après une interruption d’envoi et moultes péripéties postales, je salue au passage l’efficacité et la patience du service clientèle Atlas, et le manque d’efficacité de la poste (heureusement, nous savons qu’il s’agit d’un service postale « beta », c’est précisé dans leur nouveau sigle : bpost).

La figurine qui accompagne l'album.

La figurine qui accompagne l’album.

Voici ce que contient exactement l’album:

JOURNAL 1948-1949 (PP. 5-7)

BERLIN : LES RUSSES QUITTENT LE CONSEIL DE CONTRÔLE – LES BERLINOIS PRIS EN OTAGE – PONT AÉRIEN POUR BERLIN – COUP DE FORCE COMMUNISTE EN TCHÉCOSLOVAQUIE – NAISSANCE DE l’ALLEMAGNE FÉDÉRALE – LA MODE 1948-49 – ISRAËL NAÎT SOUS LES ARMES – L’ALLEMAGNE PARTAGÉE – SIGNATURE DU TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE NORD CRÉATION DE L’OTAN – CHINE : TRIOMPHE DE MAO TSÉ-TOUNG – SUR LES ÉCRANS

LES SOURCES DE L’ŒUVRE (PP. 7-11)LE MANDAT ANGLAIS – 1939, LE LIVRE BLANC ET LES COMPLICATIONS DE LA GUERRE – L’ACTIVITÉ JUIVE EN PALESTINE… – …ET LA PALESTINE SOUS LES YEUX D’HERGÉ

REVUE DE DÉTAILS (PP. 12-17)L’AUTOMOBILE DES DUPONDT – L’AUTOMOBILE DU DIRECTEUR DE LA SIMOUN – L’AUTOMOBILE DES MEMBRES DE L’IRGOUN – LA JEEP DES DUPONDT – L’AUTOMOBILE DE L’ÉMIR – L’AUTOMOBILE DU DOCTEUR MÜLLER – LE SPEEDOL STAR – L’AVION DE CHASSE LANCEUR DE TRACTS – CORRECTION DE TIR

LES SECRETS D’UNE CRÉATION (PP. 18-21)AVIS DE TEMPÊTE – BOUM ! – ENTRE CONCATÉNATION ET FATRASIE – LE RETOUR D’UN FIEFFÉ GREDIN – ONDES COURTES – GESTICULATIONS

LES ACTEURS (PP.22-28)TINTIN – HADDOCK – TOURNESOL – DUPONDT – ABDALLAH – ABDUL – AHMED – BAB EL EHR – BEN KALISH EZAB – BEN MAHMOUD – BEN MOULFRID – CASTAFIORE – DAOUD – EDWARDS – GOLDSTEIN – JOUBERT – MOURAD – MÜLLER – OLIVEIRA DA FIGUEIRA – O’CONNER – THORPE – UN POMPISTE – LE PATRON DU GARAGE SIMOUN – LE DIRECTEUR DE LA SPEEDOL – UN COMMANDANT DE PÉTROLIER – DES MEMBRES DE L’IRGOUN – DES FIDÈLES MUSULMANS EN PRIÈRE

TINTIN FAIT LA UNE DU Petit Vingtième (PP. 29-33)
ANNONCES ET INÉDITS EN ALBUM (PP. 34-41)
L’ALBUM – TINTIN AU PAYS DE L’OR NOIR (PP. 43-108)

PENDANT CE TEMPS… HERGÉ (PP. 110-115)CHRONOLOGIE HERGÉ 1948-1950 – GEORGES DARGAUD ET LE TINTIN FRANÇAIS

LES AUTRES HÉROS (PP. 116-119)JO, ZETTE ET JOCKO – QUICK ET FLUPKE – POPOL ET VIRGINIE

LES AUTES ACTIVITÉS (PP. 120-124)LA PRESSE : LE PETIT VINGTIÈME, LE JOURNAL TINTIN – FILMS FIXES – PRODUITS DÉRIVÉS – CARTES DE VŒUX

COLLECTIONNEURS ET COLLECTIONS (PP. 125-128)COUVERTURES ET COTES DES DIFFÉRENTES EDITIONS DE L’ALBUM – BIBLIOGRAPHIE – EDITIONS ÉTRANGÈRES ET TRADUCTIONS RÉGIONALES

Voici mon avis détaillé sur le contenu.

I. Préface

Journal 1948-1949

En ouvrant l’album, j’étais curieux quant au choix de l’époque pour la revue d’actualité : occupation ou après-guerre ? Les auteurs ont préféré revenir sur le contexte historique au proche-orient dans la rubrique « Les sources de l’œuvre ». Un bon choix, cependant la revue de presse couvre dès lors essentiellement les événements marquant le début de la guerre froide : montée du communisme dans le monde et scission de l’Allemagne. Rien en rapport avec le contexte historique qui inspire à Hergé son album, si ce n’est le court article consacré à la naissance de l’état d’Israël.

Les sources de l’œuvre

C’est l’occasion pour les auteurs de rappeler le contexte politique qui inspira à Hergé la première mouture de cette histoire : la difficile cohabitation entre palestiniens et juifs dans ce qui était, encore, en 1939, une colonie anglaise. Une belle leçon d’histoire, bien documentée, et qui permet de faire le lien entre la période d’avant-guerre et celle d’après-guerre, lorsqu’Hergé achève enfin son histoire.

Revue de détails

L’aventure étant très pauvres en décors, les auteurs consacrent cette rubrique presqu’entièrement aux véhicules représentés dans l’album. Ce sont d’ailleurs principalement des voitures. Hélas, pas un mot sur l’étrange casque espagnol dessiné dans le coin inférieur droit de la case C4 à la planche 15.

 Les secrets d’une création

Quelques cases originales, des croquis préparatoires et un brouillon de planche, une photographie d’Hergé penché sur sa table de dessin, la plume à la main et à l’arrière-plan le poste radio que l’on retrouve également dans l’album. De quoi satisfaire le tintinophile amateur de détails. Je reste convaincu que l’intitulé des deux rubriques a dû être interverti lors de la mise en page : c’est bien Goddin qui rédige ici une « Revue de Détails ».

 Les acteurs

La galerie est cette fois remplie de très nombreux portraits. Si l’article consacré aux Dupondt m’a un peu déçu (aucune mention de leur déguisement en début d’aventure), le reste est comme toujours pertinent et un plaisir à la lecture.

 Tintin fait la une du Petit Vingtième

Semaine après semaine, Hergé publie ses planches dans Le Petit Vingtième. Et semaine après semaine, il dessine une couverture originale pour accompagner ses planches, souvent en agrandissant une case de l’aventure. Toutes les couvertures du Petit Vingtième annonçant un épisode de « Tintin au pays de l’Or Noir » sont reproduites dans cette rubrique. Pour le plaisir des yeux uniquement.

 Annonces et inédits en album

Un courrier d’Hergé aux lecteurs du Petit Vingtième, les couvertures du journal Tintin accompagnant la publication de l’aventure, les cases ayant fait les frais de la refont en album, ainsi que deux planches mises en couleur de façon maladroite par le magasine français Cœurs Vaillants.

 II. L’album

Avant de mettre à nouveau en chantier l’aventure lunaire, qu’il a décidément bien du mal à entamer, Hergé reprend d’abord une ancienne aventure de Tintin là où il l’avait interrompue dix ans plus tôt, suite à l’occupation allemande. Mais en dix ans, Hergé, Tintin et les lecteurs ont bien changé. L’humour omniprésent sauve cet album qui autrement n’aurait été qu’une aventure « rafistolée ». Je salue au passage la première apparition de l’adorable rejeton de l’Emir Ben Kalish Ezab.

III. Postface

La chronologie couvre les années 1948 à 1950. La brève période couvrant la parution des premières planches dans le Petit Vingtième (1939-1940) est couverte dans la Chronologie qui accompagne l’album « Le Crabe aux Pinces d’Or ». On découvre dans cette chronologie le courrier adressé par Hergé aux Studios Disney en 1948 – avec en regard la réponse polie mais négative des Studios Disney. Les auteurs dressent également le portrait de l’éditeur français Georges Dargaud. Une mention spéciale pour la reproduction de l’ensemble des dessins réalisés par Hergé pour les boîtes de crayons de couleur Koh-I-Noor !

Hergé, à quel point l’auteur et ses personnages sont devenus populaires. On mesure également le changement radical que cette charge de travail implique dans la routine artistique et créative de Hergé. Faut-il y voir l’un des éléments qui expliquent la lassitude de Hergé face à son œuvre et son travail à partir de cette époque ?

Conclusion

Un pari à nouveau réussi pour cet album de la collection « Archives Tintin » chez Atlas. Bel objet, mais contenu riche et justifiant le prix plus élevé qu’un album classique. Je reste persuadé que cette collection pourrait trouver sa place, en reliure cartonnée, dans le catalogue de Casterman.


Mon avis sur « Tintin. Bibliographie d’un mythe » par Olivier Roche et Dominique Cerbelaud

Les auteurs nous convient à découvrir la bibliographie d’un mythe. Je dirais, après lecture, qu’il s’agit en réalité d’une bibliographie appelée à devenir mythique que les deux complices nous livrent ici. Une bibliographie mythique par son ampleur tout d’abord : véritable travail de fourmi, elle ne recense pas moins de 388 ouvrages consacrés à Hergé et/ou à son œuvre. On y trouve tout : des ouvrages de référence aux plaquettes publiées à compte d’auteur, même le très controversé « Tintin mon copain » n’a pas été écarté. Les auteurs proposent également une sélection d’ouvrages publiés en langue étrangère (allemand, anglais, espagnol, néerlandais, portugais). La tintinophilie ne connait pas de frontières.

Bibliographie mythique par sa forme ensuite : l’impression sur papier glacé est de très bonne qualité, la mise en page est soignée, avec pour chaque référence bibliographique une reproduction en couleur de la couverture de l’ouvrage (parfois même des couvertures lorsqu’il y a eu plusieurs éditions). Un exercice facile pour les références récentes ou à large diffusion, mais un véritable défi pour les pièces plus rares, voir insolites telles que « L’agenda de Tintin » et autres fascicules édités « chez l’auteur ».

Bibliographie mythique par son contenu enfin car, loin de se contenter d’aligner simplement les références bibliographiques (auteur, titre, éditeur, date de publication), les auteurs nous proposent une bibliographique raisonnée et critique. Pour chaque référence, nous avons droit à un résumé du contenu et un avis personnel des auteurs. Un travail titanesque que je salue au passage, tant il sera utile aux générations de tintinophiles et tintinologues actuelles et à venir. Les références ne sont pas classées par ordre alphabétique d’auteur ou de titre, ni par année de parution, mais par catégorie thématique (Texte et versions, études critiques, amplifications imaginaires,…). Un choix qui se défend, mais qui n’est pas sans conséquences comme nous le verrons plus loin.

Restent deux points d’ombre au tableau. Le prix tout d’abord : il vous faudra débourser 26 euros à la caisse pour pouvoir emporter ce bel ouvrage. Pour le tintinophile passionné, ce livre vaut bien d’avantage tant son contenu est riche et agréable à feuilleter. Pour le simple amateur ou le lecteur curieux, ce prix semblera en revanche prohibitif.

Mais ce n’est rien comparé à l’erreur fondamentale commise par les auteurs de cette « Bibliographie d’un mythe ». Ils ont tellement voulu enrichir leur bibliographie qu’ils en ont oublié l’essentiel : son usage pratique ! Qu’est en effet une bibliographie sans index d’auteurs et de titres ? Imaginons que je trouve en librairie un exemplaire de « La vie cachée de Tintin » par Henri ROANNE-ROSENBLATT et je souhaite savoir ce qu’en pensent Olivier Roche et Dominique Cerbelaud. Les références n’étant classées ni par auteur, ni par titre, ni par année, je suis donc condamné à feuilleter patiemment la mythique bibliographie pour tomber par hasard, au détour d’une page, sur ladite référence.  Comment les auteurs ont-ils pu commettre une telle bourde ? En l’état, cette bibliographie se réduit à un simple catalogue que l’on feuillette avec plaisir mais qui se révèle inutilisable comme outil de recherche bibliographique.

Qu’à cela ne tienne ! Voici l’index par auteur et l’index par titre, tous deux compilés par mes soins.

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A présent, vous n’avez plus aucune excuse pour ne pas acheter ce magnifique et bientôt mythique ouvrage !


 

ROCHE, Olivier et CERBELAUD, Dominique, Tintin. Bibliographie d’un Mythe, éd. Les Impressions Nouvelles, 2014. ISBN-13: 978-2-87449-213-6