Mon avis sur Les Archives Tintin (Atlas), vol. 3 – L’Alph-Art

Album controversé s’il en est – même son statut d’album à part entière étant discutable – l’Alph-Art est le volume des Archives Tintin que j’attendais avec le plus d’impatience. Et je n’ai pas dû attendre bien longtemps, les Editions Atlas ayant eu l’excellente idée de l’inclure dès leur troisième envoi reçu ce 20 mars.

Cette fois, sac-à-dos en cadeau oblige, j’ai reçu l’album dans une boîte cartonnée tellement fragile que le fond et le système de fermeture avaient tous deux lâchés, le tout m’ayant été présenté ouvert avec le contenu éparpillé… mais intact et complet. Les Editions Atlas aiment décidément jouer avec le feu.

La figurine et le sac-à-dos reçus en cadeau.

La figurine et le sac-à-dos reçus en cadeau.

Voici ce que contient exactement l’album.

JOURNAL 1977-83 (pp. 5-7)
JIMMY CARTER, PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS – RAID SUR KOLWEZI – ÉCLAIRCIE AU PROCHE-ORIENT – LE CHAH RENVERSÉ – LONDRES : UNE FEMME PORTE LA CULOTTE – RONALD REAGAN ÉCRASE JIMMY CARTER – UN CARABINIER AUX CORTÈS – LA PLANÈTE MITTERAND – LES MALOUINES : UNE QUESTION DE PRINCIPE – ISRAËL CONTRE LE LIBAN – SUR LES ÉCRANS – EN BREF
LES SOURCES DE L’ŒUVRE (pp. 8-15)
NOUVEAU LECTORAT – RÉSISTANCES ET TENTATIONS – LA RECHERCHE DE L’APAISEMENT – L’ART ABSTRAIT, CETTE AUTRE GALAXIE MENTALE ? – L’ART CONTEMPORAIN ET SON REFLET DANS : L’ALPH-ART – CONTRADICTIONS – SECTE ET GALERIE- CONFLIT INTIME – S’ADAPTER – LA PUISSANCE DU PASSÉ
LES SECRETS D’UNE CRÉATION (pp. 16-20)
RIPAILLE TRIDÉMENTIELLE – DÉFOULEMENTS PÂTISSIERS – LA FAUNE DES VERNISSAGES – UN HADDOCK AD HOC – EN PASSANT PAR LE ROND-POINT – LE CAS AKASS
LES ACTEURS (pp. 21-23)
TINTIN – MILOU – HADDOCK – AKASS – BEN KALISH EZAB – CASTAFIORE – SNOBISME, MÉPRIS ET COPINAGE – CHICKLET – DUPONDT – TOURNESOL – FLEUROTTE – FOURCART – GIBBONS – HARTIMONT – LAIJOT – LAMPION – MONASTIR – NASH – NESTOR – RANDAZZO – RASTAPOPOULOS – SAKHARINE – SORDI – TRICOT – VANDEZANDE – ZOLOTAS
L’ALBUM – L’ALPH-ART (pp. 25-89)
PENDANT CE TEMPS… HERGÉ ! (pp.92-98)
CHRONOLOGIE HERGÉ
LES AUTRES ACTIVITÉS (pp.99-115)
LA PRESSE – (LE JOURNAL TINTIN 1972-1983) – LA PUBLICITÉ – SÉRIGRAPHIES ET AFFICHES PROMOTIONNELLES – CARTES DE VŒUX
LE DÉCÈS D’HERGÉ DANS LA PRESSE (pp. 116-117)
HERGÉ… LE DÉFI DU XXIE SIÈCLE ! (pp. 118-129)
CHRONOLOGIE HERGÉ 1984-2011
BIBLIOGRAPHIE (p. 130)
ÉDITIONS ÉTRANGÈRES ET TRADUCTIONS RÉGIONALES (p. 130)

Voici mon avis détaillé sur le contenu.

I. Préface

Journal 1977-83

Pour avoir vécu cette époque, la présentation historique éveille en moi une pointe de nostalgie. Moins pertinente par rapport au thème de l’album, elle est pourtant l’occasion, pour les auteurs, de se défouler dans leur éditorial contre la montée en puissance du libéralisme – ou capitalisme sauvage. C’est un véritable plaidoyer contre la mondialisation et la perte des valeurs humanistes, un regard critique sur la fin du XXe siècle dont les conclusions restent d’actualité aujourd’hui. On s’éloigne bien sûr de Tintin et Hergé à proprement parler, même si cela permet de comprendre à quel point Hergé a dû se sentir décalé par rapport à cette fin de siècle.

Les sources de l’œuvre

Les auteurs se livrent ici à une analyse des plus pertinentes, et parfois un peu caustique, du contexte dans lequel Hergé situe son album. Le milieu de l’art contemporain : ses vaniteux, ses parasites, sa faune exotique, ses illusionnistes, ses carnassiers, et Hergé en quête d’une nouvelle voie et d’un nouveau sens à donner à sa vie. Une analyse qui aurait facilement pu déraper, mais les auteurs ont réussi ici le tour de force de ne jamais trahir cette œuvre pourtant restée inachevée (pour ne pas dire à peine entamée). J’applaudis des deux mains, c’est assurément l’un des moments forts de ces Archives Tintin. Quant aux points de vue défendus par les auteurs, on peut ne pas être d’accord mais le débat qu’ils suscitent reste toujours en accord avec l’album projeté par Hergé.

Les Secrets d’une création

Philippe Goddin passe essentiellement en revue les différents éléments ayant inspiré les personnages et lieux que Hergé avait présélectionnés pour son album, et ses premières hésitations quant à la forme d’art contemporain qu’il pourrait tourner en dérision : pop-art (j’aurais plutôt parlé de food-art), Tart-art (la nourriture toujours) et finalement Alph-Art. Je suis certes resté sur ma faim (malgré deux arts culinaires), mais sans doute l’essentiel des archives est-il déjà exploité dans l’album à proprement parler.

Les acteurs

L’album n’étant qu’une ébauche d’album, j’imagine le tour de force qu’a du représenter la rédaction de cette rubrique. Nul ne sait le sort que Hergé allait réellement réserver aux différents personnages – certains auraient même pu être écartés en cours de rédaction. Elle est donc nettement plus courte que dans les volumes précédents, mais reste intéressante.

II. L’album

Parlons-en de cet « album » et des controverses qu’il a déjà suscitées. Pour commencer, j’approuve totalement le choix initial de Fanny Rodwell de présenter au public un album inachevé composé de deux volumes : l’un contenant la transcription des dialogues, l’autre le découpage graphique. Cette forme me semble la plus appropriée à un album qui n’en était encore qu’au stade de l’ébauche. Le scénario, c’est le premier jet de l’histoire. Les ébauches graphiques représentent déjà une étape suivante, une évolution de ce premier jet avec certaines remises en question. Ce qui justifie de les garder séparés. Mais on pourra reprocher à cette formule qu’elle rend l’ensemble moins « accessible » et moins « lisible » pour le grand public.

L’intégration de l’Alph-Art dans la collection classique des Aventures de Tintin, en revanche, est à mon sens une trahison. J’y vois un manque de respect à l’encontre de l’auteur : les dessins, croquis, planches, manuscrits et tapuscrits n’étaient pas destinés à la publication et méritent un traitement particulier. La première édition réussissait ce tour de force, la formule « en album », par contre, crée la confusion entre un texte et des illustrations qui n’en sont pas la traduction fidèle. Bien entendu, la formule « album » est plus vendeuse que le diptyque au format « art book ». Combien de lecteurs se sont fait avoir, croyant acheter un album Tintin classique pour se retrouver avec une ébauche d’album faite de croquis en regard d’un texte continu ?

Les Archives Tintin font-elles mieux ? Non ! La réponse est même : elles font pire ! Les 132 pages de la première édition en deux volumes, réduites à 104 pages dans l’album classique ont été concentrées ici en 62 pages ! De nombreuses planches sont ainsi réduites à la taille de cartes postales. Je reste sans voix face à ce triste massacre de ce qui fut une excellente initiative au départ : la publication d’un germe d’album, d’un album en devenir, laissant deviner les doutes, les volte faces, les fouilles graphiques de l’artiste qui tient le crayon. Rendez-nous l’Alph-Art !

III. Postface

La chronologie Hergé couvre 4 années et s’étale sur 7 pages. Très richement et joyeusement illustrée, elle est suivie d’un non moins long aperçu des activités du studio durant la même période.

Ensuite, les auteurs abordent avec beaucoup de retenue et de délicatesse l’épisode douloureux du décès de Hergé. Ils ont préféré laisser, pour l’essentiel, la parole aux autres en présentant un choix d’articles de presse de l’époque. Un très bel hommage, particulièrement émouvant.

Ils rebondissent ensuite dans la rubrique Hergé… Le défi du XXIe siècle en brossant un panorama des publications et initiatives visant à faire vivre l’œuvre de Hergé depuis 1984 jusqu’à 2011. Une très bonne idée. On y trouve pêle-mêle les expositions, l’ouverture de boutiques, la fermeture du Studio au profit de la Fondation, la décoration de la station de métro Stockel à Bruxelles, les biographies, jeux, jeux vidéos, films et bien entendu le musée Hergé à Louvain-la-Neuve, et bien d’autres encore, trop nombreux à énumérer. L’œuvre de Hergé est vivante, on n’en doute pas après avoir lu cette rubrique. Le volume se referme sur la bibliographie et le panorama des différentes éditions, forcément limités à une seule page.

Conclusion

Avec 50 pages de suppléments, ce volume est bien plus riche en documents et commentaires que les deux précédents. De plus, le contenu même des dossiers dépasse en qualité ce que j’ai pu lire jusqu’à présent dans les Archives Tintin.

Heureusement, car l’album en lui-même est une très grande déception. Pas par son contenu, mais par sa présentation. Le pari d’une « édition ultime » est donc raté en ce qui concerne l’Alph-Art. De nombreuses planches étant réduites aux dimensions de cartes postales, il faudra donc faire l’acquisition de l’album classique, ou mieux, du diptyque paru en 1986 pour ceux qui en ont les moyens, si l’on veut découvrir les planches inachevées de Hergé dans les meilleures conditions.

Le compromis est décidément difficile à trouver : reprendre les 132 pages publiées naguère en deux volumes était utopique ; garder les 104 pages de l’album Casterman, et limiter les suppléments à une vingtaine de pages aurait été dommage vu la qualité et l’intérêt indéniable des documents et annexes présentées. Il faudra donc accepter le sacrifice d’une trentaine de planches, reproduites en taille réduite, pour pouvoir profiter des suppléments qui ne déçoivent pas dans l’ensemble.

L’Alph-Art version Archives Tintin est donc lui aussi sujet à polémique… en cela, Atlas respecte parfaitement la tradition. Feront-ils mieux avec Tintin au pays des Soviets, le prochain envoi annoncé ? Ou aurons-nous également droit à une débauche d’annexes et un album amputé d’un tiers de ses planches ? Vous le saurez en lisant le prochain épisode des Archives Tintin sur tintinologie.com.


A la recherche de la Licorne perdue – recherche des origines de la vraie Licorne

En juin 1942, Hergé publie dans Le Soir, sous forme de strips quotidiens, l’aventure de Tintin qui deviendra l’album Le Secret de la Licorne.

Pourtant, l’album ne nous dévoile pas tous les « secrets » de la Licorne. En effet, il est connu que Hergé a sollicité l’aide de plusieurs connaissances et amis pour se constituer une documentation crédible sur la marine du XVIIe siècle. Parmi ceux-ci, citons Gérard Liger-Belair qui corrigera les dessins de Hergé, fournira un plan et une maquette de la Licorne.

Gérard Liger-Belair affirme également avoir suggéré le nom Licorne à Hergé, et que la Licorne était un vaisseau de la marine française du XVIIe siècle qui fut coulé lors de la bataille de la Hougue en 1692.

J’ai voulu en avoir le cœur net, je suis donc parti en quête de cette Licorne. Et j’ai fait d’étonnantes découvertes ! Mais une Licorne peut toujours en cacher une autre.

Le fruit de mes recherches est résumé dans le document ci-dessous (PDF – 10 Mo).

A la recherche de la Licorne perdue

Bonne lecture !